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L’impact de la digitalisation sur le marché du resell de sneakers : une révolution dans la distribution des marques

Quelles sont les conséquences de la digitalisation du marché sur les stratégies de marketing et de distribution des marques de sneakers ? 

Êtes vous prêt à mettre 400 euros dans une paire de sneakers ? 
En effet, cela parait beaucoup, mais c’est aujourd’hui parfois le prix à payer pour s’offrir une paire. Mais comment en est -on arrivé là ? Pourquoi est-il devenu aussi compliqué d’obtenir une paire de sneakers ?

Comme l’explique Noémie Verstraete, commissaire de l’exposition “Sneakers, les baskets entrent au musée”, la sneaker n’est pas uniquement un phénomène de mode, mais bien un phénomène culturel. Si l’on remonte dans les origines de la sneaker, le terme vient de l’anglais “to sneak” qui signifie “se faufiler” et cela fait référence aux semelles de caoutchouc créées à la fin du XIXème siècle au moment de l’expansion de l’industrie du caoutchouc. Ces semelles en caoutchouc sont d’abord utilisées dans le sport notamment dans le tennis et le basket. En effet, le tennis est un des premiers sports a popularisé la basket notamment avec la paire de Stan Smith. Mais c’est le mouvement du hip-hop dans les années 80 qui a popularisé les sneakers portées par les rappeurs et les basketteurs aux Etats-Unis puis en Europe. Comme par exemple, la célèbre Air Jordan portée par le joueur légendaire de basketball Michael Jordan lors de ses matchs pendant la NBA. Aujourd’hui, les Air Jordan sont devenues une paire emblématique.

Depuis les années 2000, la sneaker devient un objet de plus en plus emblématique de la mode et devient un phénomène intergénérationnel, un phénomène qui ne touche pas uniquement les jeunes, aujourd’hui, tous les âges portent des sneakers, pour aller au travail, pour sortir le dimanche, pour aller en boîte de nuit… Les sneakers s’invitent même à la Fashion Week ou à d’autres défilés de mode. C’est devenu un véritable phénomène de société : certains la considèrent comme un objet culte, d’œuvre d’art qui se vend à des sommes inimaginables telle que la paire de Yeezy 1 portée par le rappeur Kanye West vendue pour 1,8 millions de dollars. Mais la sneaker n’est pas uniquement un objet de mode, mais également de marketing, c’est un phénomène global de désir. En effet, la notion de rareté et d’exclusivité due aux éditions ultra limitées joue directement sur le désir des consommateurs. Certaines paires de sneakers ne sont d’ailleurs disponibles que par tirage au sort, c’est l’apparition des « rafles » en ligne, un système de loterie où les personnes tirées au sort gagnent la possibilité d’acheter leur paire au prix de sa sortie. De nos jours, pour posséder les modèles les plus rares et limités, il est nécessaire de passer par une raffle, et plus c’est rare plus c’est cher. 

Le principe de la rafle, c’est d’offrir aux consommateurs la possibilité d’acheter des sneakers à un prix classique sans tenir compte de sa valeur sur le marché de la revente. Les prix proposés par les rafles varient entre 90€ et 150€, mais leur prix à la revente peut parfois atteindre plusieurs milliers d’euros notamment quand il s’agit de collaborations.  

C’est le cas ci-dessous avec la collab entre Nike et Ben & Jerry’s. Les deux marques se sont accordées pour imaginer une édition inédite de l’iconique Nike Dunk Low aux couleurs célébrant le fabricant de glaces. Cette paire de baskets commence au prix de 1610 € et varie en fonction de la taille pouvant aller jusqu’à 2500 €.

Les rafles en ligne ont remplacé peu à peu les “camp out” : certaines sneakers étant particulièrement dures à avoir tant la demande est forte et les quantités limitées que les sneakers addict campaient voire dormaient devant les boutiques pour être sûr d’obtenir la paire convoitée.

Les rafles de sneakers sont organisées sur les réseaux sociaux principalement sur Instagram. C’est à partir de là que le digital bouscule tous les codes et crée de nouveaux marchés : le resell. Au fil du temps, ces loteries en ligne se sont imposées comme une nouvelle pratique dans l’univers de la sneaker. En effet, l’arrivée des rafles en ligne à complétement changé la façon de vendre. La digitalisation du marché de la sneaker rend le marché accessible à tous, car ce n’était pas aussi simple pour tout le monde de se rendre en boutique pour y trouver la paire de ses rêves. Les sorties sont très localisées et se font uniquement dans les grandes villes aux Etats-Unis comme en France. Pour ceux qui n’habitent pas à Paris par exemple, il est très compliqué de trouver ces paires dans des boutiques physiques. Les rafles sont devenues le nerf de la guerre, car c’est de cette façon-là qu’il est encore possible d’obtenir ces paires de sneakers rares, en édition limitée au prix retail encore accessible pour tous. Effectivement, le système de rafle a permis de simplifier le processus d’achat en évitant les longues files d’attente devant les shops lors des jours de sortie.

Le digital à ouvert de nouvelles perspectives aux marques de sneakers en leur permettant d’élargir leur présence sur le marché en ligne. Les marques ne disposent plus uniquement de leurs propres sites web, elles sont également associées à ces nouvelles plateformes de vente en ligne spécialisées dans le resell de sneakers. En effet, le resell est devenu incontournable avec le développement de la vente en ligne. Le resell de sneakers fait référence à la revente de baskets, généralement d’éditions limitées ou rares à des prix plus élevés que leur prix de vente initial. Ce marché s’est développé en réponse à la demande croissante des sneakers uniques et exclusives. En effet, la demande est tellement importante qu’il est devenu difficile de se procurer des paires de baskets en sortie retail et nécessite parfois de se tourner vers des marchés parallèles tels que le resell.  

Le métier de reselleur se popularise. Les reselleurs achètent les paires en édition limitée notamment pendant les rafles et les revendent à des prix d’or sur le marché de la revente. Ce marché en plein essor, auparavant réservé aux passionnés, est aujourd’hui estimé à 6 milliards de dollars selon une enquête de RTL.

D’autres marques ont recours à cette stratégie du marketing de la rareté qui consiste à commercialiser des produits exclusifs en petite quantité. Cette stratégie joue sur l’instantané, la rareté et l’exclusivité afin de susciter un sentiment d’urgence. C’est le cas de l’enseigne Lidle qui a mis en vente une première fois dans ses magasins une paire de basket au prix de 12,99€, l’article a été épuisé en quelques jours. Immédiatement après, la revente de ces baskets à commencé en ligne, atteignant des prix démesurés. Ce qui a permis cette réussite fulgurante à la marque est d’avoir joué sur le fait de communiquer sur une édition très limitée. En effet, les quantités limitées donnent aux clients de Lidle une impression de rareté en ayant la chance de détenir un produit rare.

Plusieurs facteurs expliquent notamment la popularité croissante du resell de sneakers, d’une part, l’exclusivité des éditions limitées qui crée une demande intense, mais d’autre part, les collaborations entre les marques de sneakers et personnalités influentes qui amplifient cet engouement.

Le resell s’est imposé et plusieurs sites se sont spécialisés sur ce marché de la revente. Les plus connus du sneaker game sont Stock X, Wethenew, Kikikickz, Goat, Klekt.. Certains ont même ouvert leur boutique physique, déjà réputée aux Etats-Unis et de plus en plus en France. C’est le cas de la boutique Larry Deadstock, une des plus populaires sur Paris. Ces revendeurs utilisent massivement les réseaux sociaux afin de promouvoir les derniers modèles de sneakers disponibles et ainsi générer du trafic sur le point de vente, ainsi que sur leur site internet.

Mais derrière ce phénomène, se cachent certaines dérives. Le digital change encore la donne avec l’apparition des “bots” informatiques utilisés par les sneakers addicts et les resellers pour réussir à mettre la main sur les dernières sorties en édition limitées ainsi que les collaborations avec les grandes marques. Ces bots sont des petits programmateurs informatiques élaborés par des développeurs qui permettent aux revendeurs d’augmenter leur chance de gagner aux rafles en réalisant des achats instantanés, souvent en quelques secondes. Il suffit d’indiquer les informations telles que le modèle, la taille, la quantité, l’adresse de facturation et de livraison, les coordonnées bancaires, et ainsi obtenir le maximum de paires sur un ou plusieurs sites. L’utilisation de bots informatiques est devenue une pratique de plus en plus répandue. 

La digitalisation a considérablement transformé la façon dont les marques lancent de nouveaux modèles de sneakers. En effet, face à ce tournant digital, les marques ont dû s’adapter à cette nouvelle manière de consommer, et réadapter leurs stratégies de marketing. Au lieu des traditionnelles sorties en magasin, les marques utilisent désormais des stratégies de lancement en ligne, des méthodes telles que les rafles comme on a pu le voir, les drop limités sur les applications mobile qui permettent aux marques de gérer efficacement l’offre et la demande, tout en créant une atmosphère d’exclusivité et de rareté autour de leurs produits. En effet, les grandes enseignes ont dû revoir leurs modèles de vente, c’est notamment le cas de la marque Nike qui a développé son application “Nike Sneakers”. L’application permet d’annoncer les prochaines sorties des dernières paires de sneakers tendances. C’est devenu rapidement l’outil indispensable pour tous ceux qui souhaitent se procurer les derniers modèles. La marque Nike n’a pas hésité à surfer sur ce nouveau marché du reselling. En sortant des drops en édition limitée, cela lui permet de vendre plus vite, mais aussi de tester la popularité des modèles, avec des stocks toujours en petite quantité pour entretenir la frustration et le marketing de la rareté.

La digitalisation a complètement bouleversé le marché en apportant des changements significatifs qui ont entraîné des conséquences majeures sur les stratégies de marketing des marques. L’expansion du marché en ligne à également ouvert de nouvelles opportunités en permettant aux marques d’atteindre un public plus large, et diversifier leurs canaux de distribution.  Les marques ont dû s’adapter à ce nouvel environnement numérique ainsi qu’à cette nouvelle manière de consommer afin de rester compétitif et de répondre aux attentes des consommateurs connectés dans cette ère numérique en constante évolution.

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BRIAND

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